samedi 13 mars 2010

Histoire de chevaux et d'amours

J'avais acheté le roman Les sept cavaliers (éditions du Masque, collection Labyrinthes, 1999, ISBN 978-2702496688 ; A famine of horses, en VO) de Patricia Finney Chisholm par curiosité. Je voulais découvrir, par le biais de la fiction, un univers que j'avais abordé au travers de quelques livres d'histoire, comme The Border Reivers, de Keith Durham, avec les superbes illustrations d'Angus McBride. J'avais alors profité de la publication du roman en traduction française, n'ayant pas trouvé la version originale dans une libraire proche de chez moi.

(illustration Angus McBride)

Le roman se déroule à la fin du XVIe siècle (en été 1592), dans cette zone frontalière entre Angleterre et Écosse, agitée pendant plus de trois siècles par les querelles entre clans écossais et familles anglaises, et même au sein des clans et des familles. Le personnage central est Sir Robert Carey, jeune noble anglais disposant de quelques appuis à la cour de la reine Elizabeth ; le personnage du roman est directement inspiré du « vrai » Sir Robert Carey, homme d'action et de diplomatie, dont la vie nous est connue grâce aux Mémoires qu'il a écrits.
Le roman présente un premier intérêt que je qualifierais de « documentaire », en ce qu'il met en scène et en images ce territoire au travers de ses habitants, de ses villes comme Carlisle, de ses maisons fortes et de ses landes sauvages. Des gens et des décors immédiatement utilisables dans des jeux de rôles à univers historique comme Te Deum pour un massacre, grâce à ces deux tomes du supplément Les deux reines, ou comme Gurps Swashbucklers.


De l'intrigue du roman, ou plutôt de ses intrigues mêlées, je retiendrai trois lignes directrices :
  • celle qui donne son titre original au roman, la pénurie de chevaux dans cette région frontalière, pénurie qui vient du fait que le clan de Jock Graham et ses clans alliés rassemblent autant de montures qu'ils le peuvent pour tenter de pénétrer loin en territoire écossais, jusqu'à la résidence royale de Falkland Palace à Fife, et y enlever le roi James et en tirer rançon ;
  • celle du meurtre d'un fils de Jock Graham, dont une patrouille frontalière a retrouvé le corps abandonné dans les landes. Compte tenu de la situation très tendue dans les Borders, le meurtre du fils d'un chef de clan prompt aux représailles est une affaire délicate à dénouer. Il s'avérera pourtant que ce meurtre n'a rien de politique ni de stratégique, mais qu'il relève d'affaires privées, sur fond d'amours impossibles entre un jeune homme d'un clan et une jeune femme d'un autre ;
  • celle, plus diffuse au long du roman, de la situation politique et militaire à Carlisle et dans les environs, qui voit les rivalités entre potentats locaux saper l'autorité, et le laisser-aller et la corruption émousser la valeur combattive des hommes d'armes, etc.

Du point de vue rôlistique, ces trois lignes tissées entre elles comme dans le roman peuvent conduire assez facilement à un scénario mêlant considérations « politiques », enquête et action. Il suffit de disposer, pour cela, d'une zone frontalière qui servira de cadre général à l'aventure et, dans cette zone frontalière, d'un poste avancé, de taille adaptée à votre univers de jeu (du fortin à la ville fortifiée), avec une garnison touchée par la routine et la prévarication, et une paix fragile avec des voisins turbulents. Ce peut être une frontière entre deux royaumes de grande taille (comme dans le roman, où il s'agit de la frontière entre Angleterre et Écosse) ; mais cela peut tout aussi bien être une frontière entre deux états de plus petite taille (deux cités-états italiennes de la Renaissance, par exemple), entre deux territoires de « clans » (comme les « clans » de Rokugan dans le Livre des cinq anneaux), entre un état organisé et des territoires plus « tribaux » (par exemple la frontière entre l'empire romain et les territoires germains), etc.
Bâtir un scénario de JdR autour des amours contrariées de deux personnes relevant de groupes se vouant des haines pouvant aller jusqu'à la mort n'est pas insurmontable. Ce qui peut être plus malaisé, en revanche, c'est de mettre concrètement en œuvre ce scénario autour d'une table de jeu, du fait du grand-écart entre l'inimitié des deux groupes, dans laquelle baignent PJ et PNJ et qui conditionne probablement une grande partie de leur manière de réagir, et un sentiment aussi profondément individuel que l'amour. Certes, Shakespeare, entre autres, en a tiré quelque chose de remarquable, mais faire jouer Romeo et Juliette dans les Borders (ou ailleurs) peut se révéler plus casse-gueule, malheureusement. Je crois, toutefois, que l'expérience vaut la peine d'être tentée.


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Bibliographie (anglophone) conseillée pour tirer le meilleur partie d'une adaptation directe de ce roman à Te Deum pour un massacre / Les deux reines :
  • The Border Reivers, de Keith Durham (auteur) et Angus McBride (illustrateur) (éditions Osprey Publishing, collection Men-at-Arms n°279, 1995; ISBN: 978-1855324176)
  • Strongholds of the Border Reivers, Fortifications of the Anglo-Scottish Border 1296–1603, de Keith Durham (auteur) et Graham Turner (illustrateur) (éditions Osprey Publishing, collection Fortress n°70, 2008, ISBN 978-1846031977)
  • The Reivers: The Story of the Border Reivers, d'Alistair Moffat (éditions Birlinn Publishers, 2008, ISBN 978-1841586748)
  • The Steel Bonnets: The Story of the Anglo-Scottish Border Reivers, de George MacDonald Fraser (éditions Skyhorse Publishing, 2008, ISBN 978-1602392656)
  • sites sur les Border Reivers : http://www.borderreivers.co.uk/ et http://www.borderreivers.net/wordpress/

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