samedi 27 mars 2010

Chasse au trésor

Difficile de prétendre que la chasse au trésor n'est pas un des passe-temps favoris des personnages de jeu de rôles, qu'il faille assembler les bouts de la carte dressée de la main même du plus fameux pirates des sept mers (les pirates sont célèbres pour leur audace, leur cruauté, et leur faible mémoire), qu'il faille interpréter les indices d'énigmes pluriséculaires ayant résisté jusque là aux esprits les plus éclairés (fort heureusement, les PJ arrivent et vont « craquer » ces codes !) avant de trouver la cache au trésor, ou qu'il faille arracher le coffre plein de pierres précieuses au dragon immortel (enfin, immortel jusqu'à ce qu'un PJ le tue de son épée tueuse de dragon) qui le garde depuis que le monde est monde.

Et c'est à ce classique ressort d'aventure que je vais consacrer ce billet-ci. L'inspiration de cette chasse au trésor est un roman d'aventures maritimes à l'époque napoléonienne, mais elle est facilement adaptable à des univers très variés et c'est ce qui m'a guidé dans ma décision de retenir ce roman plutôt qu'un autre. Trésor de guerre (Hornblower and the Atropos, 1953) est né de la plume de C. S. Forester et fait partie de la série dans laquelle cet auteur met en scène Horatio Hornblower, que le lecteur voit évoluer, au fil des romans [*], d'aspirant de marine à contre-amiral de la Royal Navy.
La première partie de ce Trésor de guerre ne colle pas trop au titre en français, puisqu'il s'agit de l'organisation et de la tenue des funérailles de lord Nelson, tué à la bataille de Trafalgar (1805). Je ne prétends que ça ne puisse pas servir d'inspiration pour un épisode de JdR, mais je vais plutôt m'attarder sur la suite du roman qui, elle, est pleinement inscrite dans le registre « chasse au trésor ». Hornblower, à qui la Royal Navy a confié le commandement du HMS Atropos, un sloop de guerre de 22 canons, reçoit des ordres qui vont lui faire vivre une aventure bien plus palpitante que celle de conduire Nelson à sa dernière demeure. Il doit en effet se rendre sur la côte sud-ouest de la Turquie, dans la baie de Marmaris : un navire anglais qui transportait une fortune en or et argent (notamment pour la solde de l'armée britannique en Égypte) a fait naufrage dans la baie de Marmaris, et il faut absolument récupérer la cargaison dans l'épave avant que les Turcs ne mettent eux-mêmes la main dessus.



Divers éléments de l'aventure font qu'elle se prête bien à une adaptation en JdR, soit dans un univers comparable à celui du roman (un univers rôlistique « historique » du temps de la marine à voile), soit dans un univers complètement différent, qu'il soit médiéval fantastique, contemporain ou encore de science-fiction :
  • je l'ai écrit en préambule, la chasse au trésor est un ressort qui « marche » bien dans le JdR ;
  • si les indications sur le site du naufrage sont imprécises, voire inexactes (par exemple parce que les souvenirs des rares survivants du naufrage sont flous ou contradictoires), la phase de recherche peut stimuler l'imagination et l'inventivité des PJ (et donc celle des joueurs) ;
  • comme le trésor est englouti, il faut déployer des moyens permettant d'intervenir sous l'eau. Dans le roman, il est fait usage de plongeurs cinghalais, spécialistes de la pêche des perles (décidément bien loin de leurs eaux tropicales, sur cette côte turque). Mais bien d'autres pistes peuvent être envisagées, suivant l'univers d'adaptation, comme des cloches de plongée, des mini-sous-marins, voire des moyens magiques ;
  • pour ceux qui seraient allergiques à l'eau, ce « trésor englouti » peut être remplacé par un « trésor perdu en milieu hostile ». L'engin sous-marin peut alors laisser la place au scaphandre spatial, à la combinaison NBC, etc. ;
  • les rivalités à bord du navire pimentent le voyage qui, sans cela, pourrait sombrer l'ennui, qui est le risque majeur des longs déplacements maritimes (ou spatiaux) en JdR ;
  • les habitants de la côte devant laquelle la recherche et la fouille de l'épave engloutie ont lieu vont rapidement se demander à quoi rime cette agitation (il est difficile de rester discret, dans de telles opérations). L'opération de récupération du « trésor » est donc une course contre la montre, pour ne pas se retrouver en infériorité numérique face aux « locaux » qui peuvent avoir rameuté les autorités, des troupes, etc. ;
  • l'aventure propose des scènes qui relèvent d'ambiances variées, de la diplomatie au combat naval, en passant par la mise en œuvre de l'ingéniosité technique.

Le jeu de rôles dont l'esprit est le plus proche de celui de ce roman Trésor de guerre est Privateers and Gentlemen, puisque ce jeu était directement destiné à incarner des officiers de la marine (les gentlemen) ou des corsaires (les privateers) du temps de l'âge d'or de la marine à voile, et donc particulièrement à l'époque napoléonienne. Mais force est de reconnaître que ce jeu, remontant à 1982, est plutôt relégué, aujourd'hui, au rang des curiosités. Toutefois, un jeu actuel comme Pavillon Noir se prête sans souci à une adaptation à peu près directe, en déplaçant l'intrigue dans le temps (le cœur de la période de Pavillon Noir est le début du XVIIIe siècle). D'autres jeux où la composante navale est présente s'y prêtent aussi dans les jeux d'aujourd'hui (Pirates of the Spanish Main, par exemple) ou dans les jeux plus anciens (Run out the guns, Piratas, etc.).
Cependant, la trame est suffisamment générique pour être réutilisée dans des univers très différents, et donc pour des jeux très différents. Pour ma part, je l'ai assez souvent adaptée, de la Rome antique (avec Gurps Imperial Rome) aux lointains horizons de l'amas de Gion (avec Empire Galactique), en passant par la mer Rouge des récits de Henri de Monfreid (avec Daredevils en son temps ou Arkeos plus récemment), la guerre de Sécession américaine (avec Gurps Western), le Vieux Monde (Warhammer) et d'autres encore.

Quand la recette est bonne, autant ne pas se priver de l'adapter aux ingrédients dont on dispose et aux invités à qui on va la servir.

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[*] L'ordre de parution des romans de la série Hornblower, écrits de 1937 à 1967, ne correspond pas à un ordre chronologique des aventures de ce héros. Toutefois, certains recueils de parution plus récente (en particulier dans les traductions françaises) présentent les aventures dans l'ordre chronologie de la vie de Hornblower.

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