samedi 20 février 2010

Ma pratique de base : décortiquer puis rhabiller

Ce que j'aurais pu - ou dû – ajouter dans mon préambule, c'est que si j'ouvre ce blog sur les « inspirations pour des scénarios de JdR », c'est surtout parce que je crée très rarement des scénarios de JdR à partir d'idées fortes personnelles. Je le dis sans honte, je suis plutôt un « recycleur » : je m'inspire directement de choses créées par d'autres et qui m'ont séduit (la trame d'un polar, les décors d'un film, un personnage incarné par un acteur, un fait divers etc.). Parfois je recycle une seule œuvre pour un scénario, parfois j'en mêle plusieurs, pour apporter de la variété ou de la surprise, avec plus ou moins de bonheur.

Je ne prétends pas détenir une formule magique pour procéder à un tel recyclage de trame de roman, de BD ou de film. Mais j'ai au moins développé une méthode qui me convient, et pourra intéresser d'autres « recycleurs », actuels ou futurs, dans mon genre. Dans ses grandes lignes, la méthode n'a rien de révolutionnaire (remarquez, elle n'a rien de révolutionnaire dans le détail non plus) :
  1. je pars, par exemple, d’un roman dont je me dis qu'il pourrait servir de base à un scénario de JdR ;
  2. j’en décortique la trame ;
  3. je déshabille cette trame de tout ce qui est particulier à l’univers dans laquelle elle s’inscrit, pour n’en garder que le squelette (quelques personnages, leurs motivations, etc.) ;
  4. puis, partant de ce squelette, je le rhabille avec une autre chair, empruntée à un autre univers.
Pour faire une comparaison simple, je vais prendre un exemple dans le cinéma : le scénario des Sept mercenaires (The Magnificent Seven) de John Sturges (1960), sur un scénario de William Roberts, emprunte sa trame aux Sept samurais (Shichinin no samurai) d'Akira Kurosawa (1954), écrit par Akira Kurosawa, Shinobu Hashimoto et Hideo Oguni : un squelette déshabillé de sa chair japonaise « médiévale », et rhabillé avec une chair western.

L'œuvre qui m'inspire n'a pas besoin d'être d'une grande qualité en elle-même : même dans un polar écrit à la chaîne, même dans un film de deuxième ou troisième zone, je peux trouver une idée intéressante à creuser. J'irais même jusqu'à dire que piocher de l'inspiration dans une œuvre méconnue évite au maître de jeu de se retrouver devant des joueurs tout sourire, voire goguenards, parce qu'ils ont reconnu, dans l'aventure en train de se jouer, l'œuvre dont le scénariste s'est inspiré.
Ce qui ne veut pas dire qu'une œuvre « connue » soit moins intéressante à adapter. En particulier les œuvres dont on connaît surtout le titre et pas vraiment le contenu. Je me souviens avoir lu dans un forum, mais sans pouvoir remettre la main sur la discussion en question, un forumiste indiquer qu'il avait adapté en JdR des trames de pièces de Shakespeare et que les joueurs n'y avaient vu que du feu.




Pour décortiquer la trame d'un roman ou d'un film, j'avance sur deux chemins parallèles :
  • d'une part, j'essaie de bien comprendre les grandes parties du scénario, l’ouverture, puis le corps de l’aventure, et enfin la conclusion, qui peut être, en fait, une ouverture sur des aventures à venir. Je dresse alors un schéma qui me permet voir comment s'enchaînent, s'emboîtent, ou se juxtaposent, les différentes parties de l'aventure, et si certaines parties de l'aventure doivent être jouées dans un ordre précis ou pas ;
  • d'autre part, je dresse un organigramme représentant les différents personnages de l'aventure, de premier ou se second plan, (en m'attachant tout particulièrement à ceux qui deviendront les PNJ du scénario de jeu de rôle) et les relations tissées entre eux telles qu’elles interviennent dans le scénario (subordination, souhait de vengeance, complicité, etc.). Cela me donne une idée synthétique des forces en présence, et des appuis ou écueils pour les PJ.
Je procède un peu à tâtons, en dressant ces schémas à la main, parfois avec des couleurs pour des PNJ majeurs ou des scènes importantes. D'un point de vue très concret, il me faut généralement plusieurs versions successives, pour arriver à rationaliser la position des éléments des diagrammes et éviter les flèches qui se croisent dans tous les sens.

Dans un premier temps, je reste collé à l'œuvre que je décortique, en ce sens que j'établis mon diagramme (ou, disons plutôt ses versions successives) avec les noms des personnages de l'œuvre et les « fonctions » dans l'aventure (« le traître », « la victime », « les complices », etc.). C'est dans une deuxième temps que je passe à une version épurée, sans les noms, en ne conservant que les fonctions.
C'est cette version décharnée que j'appelle « le squelette », et sur laquelle je vais m'atteler, dans les phases de travail suivantes à apporter une nouvelle chair, qui devra être la saveur particulière à l’univers de jeu que j’aurais retenu pour cette adaptation.

3 commentaires:

  1. Sujet plus qu'intéressant. je vais suivre ça avec attention ;)

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  2. Hello, chouette idée de blog !

    Pour les inspi, j'ai une vieille question dont je n'ai pas trouvé de réponses satisfaisantes : comment utiliser des histoires très souvent faites pour un seul perso (bon évidemment avec l'exemple des 7 samouraïs, ma question tombe un peu à l'eau...) alors que le jdr est fait pour plusieurs ? J'ai toujours eu du mal à m'en sortir avec ça. Si tu as déjà réfléchi à la question, ça m'intéresse !

    Bonne continuation, je suivrai ton blog avec plaisir !

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  3. Je reconnais ne m'être pas posé la question de manière formelle. Pourtant, je me rends compte que beaucoup de mes adaptations partent d'œuvres dont le personnage principal est seul (un détective privé, par exemple).
    Mais ta question me donne envie d'y réfléchir plus profondément, pour analyser ma propre pratique et essayer de la partager, si j'arrive à la formaliser.

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