C'est parfois dans les vieux pots qu'on élabore de bonnes soupes. Tout au moins, c'est ce que veut le dicton. De là à penser que c'est une règle absolue, il y a un pas que je ne saurais franchir. Pour les JdR, c'est un peu la même chose : certaines vieilles ficelles peuvent servir à tisser une bonne aventure. À condition que les joueurs soient de ceux qui acceptent de jouer ainsi avec les vieilles ficelles, soit parce qu'ils sont encore « novices » (sans que ce qualificatif soit péjoratif envers eux) et que ces ficelles ne sont pas si vieilles que ça à leurs yeux, soit parce que ce sont de vieux briscards qui aiment bien renouer de temps en temps avec des classiques.
Le roman L'énigme du dragon tempête d'I. J. Parker (édition originale : The Dragon Scroll, 2005 ; version française aux éditions Belfond 10/18, collection Grands détectives, 2006, ISBN 978-2-264-04544-7) est l'exemple typique de l'ouvrage d'inspiration « vieilles ficelles », tant par son intrigue que par ses personnages.
En lui-même, ce roman policier n'a rien de transcendant. Il est même, selon une expression que j'aime employer dans ces cas-là, « mou du genou ».
La critique publiée par « Débézed » sur le site de Critiques libres est très proche de mon propre ressenti, en particulier sur ce point-là : « cette longue enquête, un rien filandreuse, un peu simpliste et très manichéenne, manque de densité et d’acuité et finit par lasser avant son dénouement trop prévisible qui n’en finit pas de finir ». Et, promis, ce n'est pas moi qui l'ai écrite sous un autre pseudonyme !
Mais ce n'est pas pour autant que cela ne peut pas servir de prétexte à une bonne histoire de JdR.
Le cadre du roman est celui du Japon du XIe siècle, celui d'une ère Heian encore très empreinte de culture et d'organisation politique chinoises, un Japon loin de celui que les rôlistes connaissent (ou croient connaître) et qui est plutôt celui du XVIe siècle, avec ses daimyo et ses samurai. Et dans une province de ce Japon ancien, voilà que des chargements d'or destinés à payer les impôts de la province à la capitale se sont volatilisés en chemin.
En lui-même, ce roman policier n'a rien de transcendant. Il est même, selon une expression que j'aime employer dans ces cas-là, « mou du genou ».
La critique publiée par « Débézed » sur le site de Critiques libres est très proche de mon propre ressenti, en particulier sur ce point-là : « cette longue enquête, un rien filandreuse, un peu simpliste et très manichéenne, manque de densité et d’acuité et finit par lasser avant son dénouement trop prévisible qui n’en finit pas de finir ». Et, promis, ce n'est pas moi qui l'ai écrite sous un autre pseudonyme !
Mais ce n'est pas pour autant que cela ne peut pas servir de prétexte à une bonne histoire de JdR.
Le cadre du roman est celui du Japon du XIe siècle, celui d'une ère Heian encore très empreinte de culture et d'organisation politique chinoises, un Japon loin de celui que les rôlistes connaissent (ou croient connaître) et qui est plutôt celui du XVIe siècle, avec ses daimyo et ses samurai. Et dans une province de ce Japon ancien, voilà que des chargements d'or destinés à payer les impôts de la province à la capitale se sont volatilisés en chemin.
Voilà une ligne de départ fort pratique pour une aventure rôlistique. Mettons, sur cette ligne de départ, un jeune aristocrate au service de la Justice du pays, un accompagnateur âgé et fidèle, et un semi-déserteur effronté aux talents pas toujours licites mais toujours utiles. Plongeons ce trio dans une toile d'araignée de vrais indices et de fausses pistes, dans le sac de nœuds sur lesquels tirent une galerie de personnages un peu caricaturaux : les hauts fonctionnaires véreux (ou pas), les officiers loyaux (ou pas), les brigands à la face couturée de cicatrices, les marchands sans défense rackettés par la racaille urbaine et les bandits de grand chemin, la jolie jeune fille au talent d'artiste, et la jeune veuve pas si éplorée que cela. Sans compter de drôles de moines dont on se demande assez vite d'où leur vient la fortune qui permet un tel développement de leur monastère.
Si vous pensez que les moines ont acquis leurs richesses en mettant la main sur les convois des impôts... vous avez peut-être raison... Et si vous pensez qu'ils ont été aidés par des complices dans l'entourage autour du gouverneur de la province, vous ne faites peut-être pas fausse route.
Voilà donc les éléments centraux et anecdotiques d'une aventure rôlistique classique, avec disparition, enquête, et révélation du pot-aux-roses. Il n'est pas nécessaire de jouer dans un univers « japonais antique » pour en profiter au mieux. Toute transposition à un univers médiéval-fantastique ou historico-fantastique pourra en tirer parti, tant que le niveau technologique et magique n'est pas trop élevé.
Bref, une base de scénario pour une aventure d'enquête et d'action sans grande prétention, dans laquelle les PJ pourront cheminer sans risquer de se perdre totalement dans une intrigue à tiroirs trop complexe.
* * * * *
Ca s'adapterait bien à du L5A ? Dans quelle contrée / clan pourrait on placer cette intrigue ? Il faut un groupe religieux complice avec le pouvoir ou des brigands pour mettre en place cette intrigue... Et puis peut être justement pour venir rehausser une intrigue qui paraît "plate" ou "mou du genou" peut être une idée en plus : les moines sont ils vraiment avides de s'enrichir ou bien utilisent ils au final l'or pour une oeuvre "bonne" que le daimyo local ne veut pas subventionner ? Quand les joueurs découvrent le pot aux roses, on tombe alors en plein dans un dilemme qui permet de sortir du côté manichéen...
RépondreSupprimerUne bonne idée donc que je note dans un coin de ma tête, merci de l'article !
Oui, je pense que cela s'adapterait bien à du L5A, à condition que certains PJ ne disposent pas de talents magiques permettant de découvrir la vérité en deux temps trois mouvements. Comme je l'ai écrit de nombreuses reprises dans le forum de la Voix de Rokugan, je n'ai qu'une connaissance superficielle de cet univers de jeu, alors mes conseils en matière d'adaptation de cette trame à L5A ne seront pas aussi avisés que ceux d'autres gens qui en sont plus férus.
RépondreSupprimerA mon avis, il convient de situer cette aventure aux marges de Rokugan ou, tout au moins, dans une contrée relativement éloignée d'un siège de pouvoir fort. En effet, il faut pouvoir mettre en scène un gouverneur de province qui a peut-être pris ses aises en barbotant les impôts destinés au pouvoir central, ainsi qu'un monastère assez éloigné d'autres lieux religieux pour pouvoir constituer, en lui-même, un point d'intérêt dans la région.
Cette intrigue peut en effet être renforcée par le PJ qui souhaite lui donner un peu plus de corps. Je reste persuadé que, telle quelle, elle peut déjà servir à une aventure assez simple. Et je ne méprise jamais les aventures simples, car elles sont nécessaires à ceux qui découvrent le JdR en général ou un univers de jeu nouveau.
Néanmoins, pour les rôlistes expérimentés, familiers des sournoiseries et des intrigues tortueuses, cette base devra être enrichie, peut-être par des jeux de faux-semblants supplémentaires : ces moines sont-ils vraiment ce qu'ils semblent être, ou bien veulent-ils que l'on pense quils sont ce qu'ils semblent, ou bien quelqu'un veut-il faire croire que ces moines sont ce qu'ils semblent être... ou pas !