dimanche 30 janvier 2011

Piliers de rôle

 
Je profite de la récente diffusion sur Canal + et de la sortie en DVD de la série The Pillars of the Earth / Les piliers de la terre, réalisée par Sergio Mimica-Gezzan et adaptée du roman éponyme de Ken Follett, pour relancer ce blog que j’ai délaissé depuis un long moment.



J’avais découvert le roman lors de sa publication en français, voici une vingtaine d’années, et je l’ai relu, depuis, à plusieurs reprises, toujours avec plaisir. Certes, ce n’est pas de la grande littérature, mais ce n’est pas pour autant du roman de troisième zone, et le récit, riche et fouillé, est mené à bon train. Certains rétorqueront peut-être, et j’aurais du mal à les contredire, que l’auteur semble, par moments, servir plusieurs fois le même plat, sous des sauces différentes.



Ceux qui penchent pour le verre à moitié vide crieront à l’arnaque, au remplissage. Ceux qui penchent pour le verre à moitié plein – et j’en suis – y verront au contraire l’illustration des vers de Boileau « Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage / Polissez-le sans cesse, et le repolissez » : les protagonistes des Piliers de la terre poursuivent des buts qui les mènent sur des chemins semés d’embûches ; demain détruira ce qu’ils ont bâti aujourd’hui, et ils entreprendront, après-demain, de relever les ruines. Jusqu’à ce que ça passe, ou que ça casse. Jusqu’aux tours de la cathédrale ou jusqu’à la potence.


Cela dit, je ne vous oblige à apprécier ni le roman, ni la série. Et je vais me contenter d’expliquer en quoi je trouve que l’un et l’autre peuvent être des inspirations profitables pour une campagne de JdR de plus ou moins grande envergure. Je n’ai pas profondément creusé mes réflexions, et je ne vais donc exposer que quelques axes qui semblent se dessiner. Ces axes se sont dessinés lorsque je me suis demandé le genre d’aventures que je pourrai bien cogiter lorsque j’aurai enfin un exemplaire de Tenga entre les mains. Je n’ai aucune prétention à être un fin connaisseur de ce Japon mouvementé, mais ce n’est certainement pas ce qui va m’arrêter dans mon envie de me frotter à ce jeu. Et comme le compère Brand m’incite (et m’invite) à me joindre à la dynamique de ce jeu...



Pourquoi des premières cogitations de passerelles entre Les piliers de la Terre et Tenga alors que je n’ai pas encore le jeu entre les mains ? Parce que Brand a eu la sympathie de répondre de nombreuses questions sur le jeu pendant une grande partie de la phase de conception et de formalisation, de publier une profession de foi de ce jeu qui me semble bien claire, et parce que j’ai eu l’occasion d’en discuter avec lui également. Et parce que, de mon côté, je me suis un peu documenté sur cette période trouble du Japon. C’est à partir de ce faisceau d’indices que j’ai commencé à cogiter.

Le premier élément est le contexte historique. Dans Les piliers de la terre, il s’agit de la guerre civile qui éclate en 1135 entre les deux prétendants au trône d’Angleterre à la mort de Henry I, d’une part Stephen/ Etienne de Blois, petit-fils de Guillaume le Conquérant et d’autre Maud/Mathilde, fils de Henry I.
Ce contexte global de guerre civile, d’alliances qui se font et se défont, d’incertitudes pour les grands seigneurs sur l’opportunité à rallier tel camp plutôt qu’un autre, n’est pas très éloigné de celui de Tenga. Quant à la neutralité, elle est un choix bien dangereux : car ceux qui ont pris parti trouveront toujours les « neutres » trop tièdes ou trop tardifs à se décider.
Et il est fort probable que l’on trouve des similitudes dans les malheurs du peuple, qu’il soit anglais ou japonais, lorsque les récoltes sont dévastées, les villages incendiés, les lieux religieux profanés. Dans une guerre civile, il n’y a jamais de « bon camp » pour le peuple.



Le roman et la série tissent, devant cette toile de fond de guerre civile, un contexte local particulier, où s’affrontent les ambitions des tenants des trois « ordres » : la noblesse, le clergé et les noyaux urbains. Ainsi, mettre la main sur les recettes d’une foire aux toisons de laine est un enjeu fort entre ces différents pouvoirs. Mais ces pouvoirs ne sont pas monolithiques. Ainsi la noblesse et le clergé sont-ils coupés par les fractures entre le parti de Stephen et le parti de Maud ; obtenir un comté ou le droit d’exploitation d’une carrière ou d’une forêt dépend du bon vouloir du souverain du moment. Par ailleurs, au sein du monastère, devenir prieur, c’est accéder au sommet de la hiérarchie de la communauté ; et certains peuvent se sentir prêts à toutes les compromissions, avec le pouvoir religieux ou avec le pouvoir séculier, pour gravir jusqu’au sommet. Et l’évêque, lui-même, se soucie parfois plus de son pouvoir temporel et des richesses qu’il procure, que du service du Tout-Puissant et du salut des âmes de ses ouailles. Les villes, enfin, cherchent à trouver leur place entre ses différents pouvoirs.


Jusque-là, me direz-vous peut-être, rien que de très classique finalement, et adaptable à bien des jeux de rôles. Alors pourquoi cela m’a-t-il fait penser plus à Tenga qu’à un autre jeu ? Parce que Tenga tourne beaucoup autour du destin des personnages, de leurs ambitions. De ce qu’ils souhaitent qu’il leur arrive, et de ce qu’il leur arrivera vraiment. Or, les protagonistes des Piliers de la terre sont justement portés par leurs ambitions et leurs destins personnels. Le maître bâtisseur veut construire une cathédrale par amour de cet art, le prieur veut avoir « sa » cathédrale peut-être par orgueil, le noble veut avoir « son » comté par appétit, les enfants d'un autre noble injustement déchu ont juré de reprendre le fief confisqué à leur père, l'évêque rêve de l'archevêché et de la pourpre cardinalice. Certains mourront avant d’avoir atteint leur but, d’autres verront leur souhait devenir réalité. Mais, dans tous les cas, ce sont les moteurs de leurs décisions, de leurs actions, ce qui les pousse à se relever lorsqu’ils sont tombés. Et je me dis que ça, ça pourrait bien correspondre à l’esprit sur lequel Brand a bâti Tenga (sa cathédrale à lui, qu’il peut voir enfin terminée !).

Voilà les premières pistes de réflexion qui m’amènent à penser que Les piliers de la terre sont un terreau propice à y semer les graines d’une « petite » campagne pour Tenga, dans des aventures mêlant histoires personnelles et arrière-plans historiques, moments intimes et moments de bravoure, etc.

1 commentaire:

  1. Depuis mes débuts j'ai eu envie de me plonger via un jdr dans un contexte médiéval réaliste, dur, mature, mortel. Mes tentatives ont été bonnes, mais il me manquait toujours un "je ne sais quoi"...
    La découverte de la série Les Piliers de la Terre puis la lecture du roman, m'ont a nouveau stimulé.
    Mais finalement c'est la découverte de Tenga qui m'a fait pousser des ailes : je pense avoir enfin trouvé le bon moteur...!

    Ego'

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