dimanche 11 septembre 2011

Partons pour la Terre sainte


Le n°3 du magazine rôliste Di6dent est bouclé, et il arrivera bientôt en version papier dans les boîtes à lettres des abonnés et sur les rayons des boutiques spécialisées.


Dans le menu bien riche de ce n°3, la rubrique « Old School » jette un coup de projecteur sur le jeu Miles Christi, dans lequel les joueurs incarne des Templiers en Terre sainte au début du XIIe siècle.


Une partie de ce dossier Miles Christi du n°3 de Di6dent pointe quelques inspirations fictionnelles et non fictionnelles pour se mettre dans l’ambiance du jeu. Compte tenu de l’espace contraint d’un article de magazine, il était difficile de donner beaucoup de détails sur ces inspirations. Je me permets donc de développer ici, avec l’accord du rédacteur en chef de Di6dent (merci à lui !), des points sur certaines des sources d’inspirations citées dans l’article. Et je vais commencer par trois tomes consécutifs de la série de BD Les tours de Bois-Maury, d’Hermann.

En préambule, je dirais que cette série présente, à mon sens, l’intérêt de fournir des références visuelles à la fois simples et fortes pour les joueurs de Miles Christi. Elle a pour cadre chronologique le tournant entre le XIe et le XIIe siècle, ce qui offre donc des illustrations très directement exploitables pour les MJ et les joueurs. C’est le cas, en particulier, pour tout ce qui concerne les chevaliers et autres hommes d’armes. Heaume à nasal, haubert de maille, écu en amande, on voit très vite à quoi pouvait ressembler, quand il était en armes, le genre de personnage que l’on incarne dans Miles Christi. Et de nombreux autres types de personnages apparaissent tout au long de la série, dans laquelle il suffit de piocher. Quant aux décors des aventures, la série en est très riche : villes, villages, campagnes, ports, cherchez, et vous trouverez !


Le premier des trois tomes que j’ai choisi de citer ici, William (le tome 7 de la série, Glénat, 1991, ISBN 2-7234-2594-0), conte le début du périple d’un groupe de de pèlerins vers la Terre Sainte. La première moitié du livre conduit les personnages d’Angleterre en Europe centrale, en passant par Bruges. Je la laisserai de côté, ici, car elle ne sert pas mon propos, et je vais plutôt me concentrer sur la deuxième moitié. Aymar de Bois-Maury et ses compagnons de route, tant pèlerins que chevaliers et hommes d’armes, éreintés par les épreuves traversées jusque-là, sont obligés de faire étape dans un village où la religion est celle de l’Église d’Orient. Ils sont bien loin de se douter que le village n’aura aucune hospitalité envers eux. Les villageois veulent en effet se venger des violences et déprédations qu’ils ont subies d’un précédent groupe de pèlerins et hommes d’armes, dont William, ami d’Aymar. Retranchés dans l’église « byzantine », assiégés par des villageois enragés de haine, Bois-Maury et ses compagnons devront se frayer un chemin de fer et de feu pour sortir de cette nasse.
Ceci offre une base intéressante pour un scénario de Miles Christi « avant la Terre Sainte ». Les personnages sont confrontés à une haine dont ils ne sont pas la cause directe, à des villageois qui ne veulent pas faire la différence entre ceux qui les ont foulés aux pieds et ceux qui leur ressemblent tant. Et, alors que leur objectif est d’aller se battre en Terre Sainte contre les « infidèles », voilà ces chevaliers, écuyers et pèlerins réduits à mettre à feu et à sang un village « chrétien » pour défendre leurs vies. Dans la perspective d’une aventure de Miles Christi, il y a là de quoi mettre des personnages Templiers devant d’intéressants dilemmes : jusqu’où iront-ils pour protéger les pèlerins dont ils ont la charge ? Jusqu’où iront-ils pour récupérer un chevalier capturé par les villageois ? Jusqu’où iront-ils pour sortir de ce village ? Confrontés à un adversaire chrétien, trouveront-ils en eux la force d’incarner les valeurs des Templiers et de respecter la règle à laquelle ils ont choisi de se lier ? Une aventure qui conduira les personnages à s’explorer intérieurement.


Changement de décor avec Le Seldjouki (tome 8, Glénat, ISBN 2-7234-1423-X), qui nous plonge « au mitan de l’Anatolie » comme le dit clairement la première case. Trop pauvres pour se payer le passage par la mer vers la Terre Sainte, Aymar de Bois-Maury et ses compagnons poursuivent leur marche, à travers ce désert où la pulpe fraîche et gorgée d’eau d’une pastèque peut faire la différence entre la vie et la mort.
Dans ce tome, Bois-Maury et ses compagnons vont se trouver mêlés, bien malgré eux, aux intrigues politiques entre les diverses forces en présence dans la région. Car dans ce coin de désert, les envoyés de l’empereur byzantin Alexis Comnène et ceux du sultan seldjoukide Kiliç Arslan palabrent. Alexis Comnène cherche à protéger ses territoires qui ont aiguisé l’appétit de ses voraces voisins, qu’ils soient Turcs, Petchenègues ou Normands « d’Italie » ; quant à Kiliç Arslan, celui-là même qui a anéanti la croisade populaire de Pierre l’Ermite, il a l’ambition de se tailler sa part de territoires dans la région, pour tenir tête tant aux Byzantins et aux Francs qu’aux menées du Turc Danichmend Ghâzi. Une partie d’échecs se joue donc à trois, dans ce désert d’Anatolie entre Francs, Byzantins et Seldjoukides. Partie dans laquelle un Seldjouki, porteur d’un message de son sultan au basileus de Byzance joue un rôle majeur.
Voici donc une bonne source d’inspiration pour un scénario dans lequel les personnages deviennent des pions dans cette partie d’échecs, une aventure qui leur fait toucher, du bout des doigts, la « grande Histoire ». Pour me lancer dans une comparaison qui pourrait paraître osée, et inciter les rôlistes à ne pas avoir peur de se lancer dans des aventures de ce genre, je dirais que ce Seldjouki peut être regardé avec les mêmes yeux que l’on regarde Les trois mousquetaires d’Alexandre Dumas, avec des jeux d’alliances et de méfiances (c’est bien ce que l’on trouve aussi entre France, Angleterre et Espagne du XVIIe siècle, quand les querelles de religion comptent moins que les enjeux géostratégiques), et des personnages du commun (quand bien même ils sont aux régiments des Mousquetaires ou des Gardes) mêlés à affaires des États.
Pour des personnages de Miles Christi, c’est le moment de se rendre compte qu’au-delà de leur position de chevaliers-soldats-moines, ils sont aussi partie prenante du « grand jeu » auquel se livrent l’Occident chrétien, l’empire byzantin et le monde « sarrasin ».


Enfin, avec Khaled (tome 9, Glénat, ISBN 2-7234-1617-8), nous voici pleinement en Terre Sainte. Aymar de Bois-Maury se laisse convaincre par Reinhardt von Kirstein, une de ses anciennes connaissances qu’il vient de retrouver, de porter assistance au chevalier Bernard de Mance, assiégé en son château par les « Arabis » de Yazid al-Salah. Aymar accepte de se joindre à la troupe qui partira de Nazareth livrer au château assiégé les vivres indispensables à éviter la reddition de la place forte. Mener la caravane à sa destination ne sera pas de tout repos, car Yazid al-Salah bénéficie des renseignements que lui livre le « Franj » Fayrnal, ennemi juré de Bernard de Mance. La « mission » culminera dans l’affrontement final entre Francs et Sarrasins, dans le choc frontal des cavaleries et les manœuvres de contournement d’infanterie.
Ce tome est l’occasion d’envisager un autre type d’aventure pour des personnages de Miles Christi en Terre Sainte, où les rivalités entre seigneurs « franjs » interfèrent avec la lutte contre les « Arabis ». Une occasion de jouer sur d’autres aspects, encore, de ce que sont ces chevaliers-soldats-moines.

dimanche 4 septembre 2011

Du côté des sorcières

Comme je suis peu doué pour inventer des aventures rôlistes de toutes pièces, je pioche mes inspirations dans des BD, des romans, des films. Et de préférence dans des sources d’inspiration qui ne sont pas trop connues, pour ne pas entendre la remarque tant redoutée, en plein milieu de l’aventure : « Ah, oui, c’est tiré de ce film-là, alors il ne nous reste plus qu’à... ».
Parmi ces mines d’inspiration méconnues de beaucoup de rôlistes (en tout cas, j’ai la faiblesse de penser qu’elles sont méconnues), la série de bandes dessinées de Daniel Redondo (dessin) et Gregorio Harriet (scénario), La marque de la sorcière (fiche Bédéthèque de la série). 


Une série malheureusement laissée en suspens après 5 tomes, publié en l’espace de sept ans et chez trois éditeurs successifs : La marque de la sorcière (tome 1, Dargaud, 1985), La louve (tome 2, Dargaud, 1986), Le roi des coqs (tome 3, Dargaud, 1988), L’ange déchu (tome 4, Les humanoïdes associés, 1990) et L’inquisiteur (tome 5, Soleil, 1992).

Cette série se déroule au début du XVIIe siècle, prenant naissance en Pays Basque au nord des Pyrénées, avant de passer en Navarre puis d’aller vers Saragosse. Les premiers tomes sont constituées par des histoires courtes, alors que les suivants sont bâtis sur une histoire unique. La série aborde des thèmes comme :
- les chasses institutionnelles aux sorcières qui ont eu lieu à cette période en Pays Basque (notamment celle menée par Pierre de Lancre dans la région de Bayonne en 1609) et les superstitions populaires, liées à ces supposés actes de sorcellerie. Les travaux des historiens d’aujourd’hui ont démontré que derrière ces chasses aux sorcières se cachaient des luttes d’intérêt, de pouvoir, de propriété foncière, des rivalités commerciales, etc. ;
- la question de la « pureté du sang » (l’expression espagnole, « limpieza de sangre » est encore plus dure, puisqu’elle signifie « propreté du sang »), devenue une sorte d’obsession dans la société espagnole du Siècle d’Or, où il importait de pouvoir démontrer sans l’ombre d’une doute que l’on était bien un « vieux chrétien », et qu’aucun Maure ou Juif ne ternissait son arbre généalogique ;
- la recherche de la vie éternelle par les alchimistes. Le tome 4, L’ange déchu, diffère en cela des quatre autres, car il incorpore une dose de surnaturel qui est absente des autres.

Les 5 tomes de la série offrent aux scénaristes de JdR des intrigues – courtes ou longues – dont l’adaptation ne constitue pas un défi majeur. J’ai tenté l’expérience de l’adaptation à partir de deux histoires courtes.
Pour l’une, je m’en suis tenu à une adaptation assez directe : j’ai gardé la trame quasiment telle qu’elle, j’ai conservé le décor géographique (Bayonne et le Labourd), et j’ai simplement avancé l’histoire de quelques années. Et je me suis retrouvé sans mal avec un scénario pour Te Deum pour un massacre : j’ai publié ce scénario, La lande du bouc, à l’occasion d’un concours amical dans laCour d’Obéron, et j’ai eu l’occasion de le faire jouer lors de la convention Gare aux Dragons à Bordeaux en 2010 puis lors d’une rencontre inter-clubs à Pau en mai 2011.
L’histoire en quelques mots
Bien décidée à mettre le grappin sur le riche négociant Martin Guyot (et sa fortune), Catherine de Paillet fait accuser son épouse Estebenote, de sorcellerie. Ignorant que c'est sa maîtresse qui organise cette accusation, Martin Guyot n'en est pas moins content de voir s'ouvrir cette perspective d'être libéré de son épouse.
Pour sauver l'accusée du bûcher, les PJ, qui sont par exemple ses parents ou ses amis, vont devoir mettre en lumière les manigances de l'intrigante et de ses complices.

Pour l’autre, j’ai gardé une bonne partie de la trame, mais j’ai transposé l’aventure loin de la Navarre, jusqu’au Japon, puisque j’en ai fait la base d’un scénario pour Tenga. Ce texte, Le fils chéri, écrit à l’occasion d’un autre concours amical dans la Cour d’Obéron, fera l’objet d’un développement en un scénario complet, à partir des remarques qui auront été faites dans le forum de la Cour et dans celui des éditions John Doe.
L’histoire en quelques mots
Le seigneur Shirô Tsuji veut marier son fils Satô à mademoiselle Tomiko, fille du seigneur Kazunori Shigeki. Mais le cœur de Satô penche pour une autre jeune femme, Sui, d’une catégorie sociale bien inférieure. Or, Satô n’est pas le fils de Shirô Tsuji ; il est en réalité le fils d’une femme de très modeste extraction, Haru, qui avait substitué son propre enfant à celui du seigneur Shirô Tsuji à la naissance, pour lui offrir un meilleur avenir. Haru est bien décidée à ce que son fils ne ruine pas le plan qu’elle avait échafaudé pour lui, et elle est prête à tuer pour cela.
Les PJ, pour la plupart étrangers à ce petit coin de Japon, se retrouvent mêlés à cette affaire et devront peut-être choisir leur camp.