Le n°3 du magazine rôliste Di6dent est
bouclé, et il arrivera bientôt en version papier dans les boîtes à
lettres des abonnés et sur les rayons des boutiques spécialisées.
Dans le menu bien riche de ce n°3,
la rubrique « Old School » jette un coup de projecteur
sur le jeu Miles Christi,
dans lequel les joueurs incarne des Templiers en Terre sainte au
début du XIIe siècle.
Une partie de ce dossier Miles Christi du
n°3 de Di6dent pointe quelques inspirations fictionnelles et
non fictionnelles pour se mettre dans l’ambiance du jeu. Compte
tenu de l’espace contraint d’un article de magazine, il était
difficile de donner beaucoup de détails sur ces inspirations. Je me
permets donc de développer ici, avec l’accord du rédacteur en
chef de Di6dent (merci à lui !), des points sur certaines des
sources d’inspirations citées dans l’article. Et je vais
commencer par trois tomes consécutifs de la série de BD Les
tours de Bois-Maury, d’Hermann.
En préambule, je dirais que cette série
présente, à mon sens, l’intérêt de fournir des références
visuelles à la fois simples et fortes pour les joueurs de Miles
Christi. Elle a pour cadre chronologique le tournant entre le XIe
et le XIIe siècle, ce qui offre donc des illustrations très
directement exploitables pour les MJ et les joueurs. C’est le cas,
en particulier, pour tout ce qui concerne les chevaliers et autres
hommes d’armes. Heaume à nasal, haubert de maille, écu en amande,
on voit très vite à quoi pouvait ressembler, quand il était en
armes, le genre de personnage que l’on incarne dans Miles
Christi. Et de nombreux autres types de personnages apparaissent
tout au long de la série, dans laquelle il suffit de piocher. Quant
aux décors des aventures, la série en est très riche :
villes, villages, campagnes, ports, cherchez, et vous trouverez !
Le premier des trois tomes que j’ai choisi de
citer ici, William (le tome 7 de la série, Glénat,
1991, ISBN 2-7234-2594-0), conte le début du périple d’un groupe
de de pèlerins vers la Terre Sainte. La première moitié du livre
conduit les personnages d’Angleterre en Europe centrale, en passant
par Bruges. Je la laisserai de côté, ici, car elle ne sert pas mon
propos, et je vais plutôt me concentrer sur la deuxième moitié.
Aymar de Bois-Maury et ses compagnons de route, tant pèlerins que
chevaliers et hommes d’armes, éreintés par les épreuves
traversées jusque-là, sont obligés de faire étape dans un village
où la religion est celle de l’Église d’Orient. Ils sont bien
loin de se douter que le village n’aura aucune hospitalité envers
eux. Les villageois veulent en effet se venger des violences et
déprédations qu’ils ont subies d’un précédent groupe de
pèlerins et hommes d’armes, dont William, ami d’Aymar.
Retranchés dans l’église « byzantine », assiégés
par des villageois enragés de haine, Bois-Maury et ses compagnons
devront se frayer un chemin de fer et de feu pour sortir de cette
nasse.
Ceci offre une base intéressante pour un scénario
de Miles Christi « avant la Terre Sainte ». Les
personnages sont confrontés à une haine dont ils ne sont pas la
cause directe, à des villageois qui ne veulent pas faire la
différence entre ceux qui les ont foulés aux pieds et ceux qui leur
ressemblent tant. Et, alors que leur objectif est d’aller se battre
en Terre Sainte contre les « infidèles », voilà ces
chevaliers, écuyers et pèlerins réduits à mettre à feu et à
sang un village « chrétien » pour défendre leurs vies.
Dans la perspective d’une aventure de Miles Christi, il y a
là de quoi mettre des personnages Templiers devant d’intéressants
dilemmes : jusqu’où iront-ils pour protéger les pèlerins
dont ils ont la charge ? Jusqu’où iront-ils pour récupérer
un chevalier capturé par les villageois ? Jusqu’où iront-ils
pour sortir de ce village ? Confrontés à un adversaire
chrétien, trouveront-ils en eux la force d’incarner les valeurs
des Templiers et de respecter la règle à laquelle ils ont choisi de
se lier ? Une aventure qui conduira les personnages à
s’explorer intérieurement.
Changement de décor avec Le Seldjouki
(tome 8, Glénat, ISBN 2-7234-1423-X), qui nous plonge « au
mitan de l’Anatolie » comme le dit clairement la première
case. Trop pauvres pour se payer le passage par la mer vers la Terre
Sainte, Aymar de Bois-Maury et ses compagnons poursuivent leur
marche, à travers ce désert où la pulpe fraîche et gorgée d’eau
d’une pastèque peut faire la différence entre la vie et la mort.
Dans ce tome, Bois-Maury et ses compagnons vont se
trouver mêlés, bien malgré eux, aux intrigues politiques entre les
diverses forces en présence dans la région. Car dans ce coin de
désert, les envoyés de l’empereur byzantin Alexis Comnène et
ceux du sultan seldjoukide Kiliç Arslan palabrent. Alexis Comnène
cherche à protéger ses territoires qui ont aiguisé l’appétit de
ses voraces voisins, qu’ils soient Turcs, Petchenègues ou Normands
« d’Italie » ; quant à Kiliç Arslan, celui-là
même qui a anéanti la croisade populaire de Pierre l’Ermite, il a
l’ambition de se tailler sa part de territoires dans la région,
pour tenir tête tant aux Byzantins et aux Francs qu’aux menées du
Turc Danichmend Ghâzi. Une partie d’échecs se joue donc à trois,
dans ce désert d’Anatolie entre Francs, Byzantins et Seldjoukides.
Partie dans laquelle un Seldjouki, porteur d’un message de son
sultan au basileus de Byzance joue un rôle majeur.
Voici donc une bonne source d’inspiration pour
un scénario dans lequel les personnages deviennent des pions dans
cette partie d’échecs, une aventure qui leur fait toucher, du bout
des doigts, la « grande Histoire ». Pour me lancer dans
une comparaison qui pourrait paraître osée, et inciter les rôlistes
à ne pas avoir peur de se lancer dans des aventures de ce genre, je
dirais que ce Seldjouki peut être regardé avec les mêmes yeux que
l’on regarde Les trois mousquetaires d’Alexandre Dumas,
avec des jeux d’alliances et de méfiances (c’est bien ce que
l’on trouve aussi entre France, Angleterre et Espagne du XVIIe
siècle, quand les querelles de religion comptent moins que les
enjeux géostratégiques), et des personnages du commun (quand bien
même ils sont aux régiments des Mousquetaires ou des Gardes) mêlés
à affaires des États.
Pour des personnages de Miles Christi,
c’est le moment de se rendre compte qu’au-delà de leur position
de chevaliers-soldats-moines, ils sont aussi partie prenante du
« grand jeu » auquel se livrent l’Occident chrétien,
l’empire byzantin et le monde « sarrasin ».
Enfin, avec Khaled (tome 9, Glénat,
ISBN 2-7234-1617-8), nous voici pleinement en Terre Sainte. Aymar de
Bois-Maury se laisse convaincre par Reinhardt von Kirstein, une de
ses anciennes connaissances qu’il vient de retrouver, de porter
assistance au chevalier Bernard de Mance, assiégé en son château
par les « Arabis » de Yazid al-Salah. Aymar accepte de se
joindre à la troupe qui partira de Nazareth livrer au château
assiégé les vivres indispensables à éviter la reddition de la
place forte. Mener la caravane à sa destination ne sera pas de tout
repos, car Yazid al-Salah bénéficie des renseignements que lui
livre le « Franj » Fayrnal, ennemi juré de Bernard de
Mance. La « mission » culminera dans l’affrontement
final entre Francs et Sarrasins, dans le choc frontal des cavaleries
et les manœuvres de contournement d’infanterie.
Ce tome est l’occasion d’envisager un autre
type d’aventure pour des personnages de Miles Christi en
Terre Sainte, où les rivalités entre seigneurs « franjs »
interfèrent avec la lutte contre les « Arabis ». Une
occasion de jouer sur d’autres aspects, encore, de ce que sont ces
chevaliers-soldats-moines.