samedi 10 avril 2010

Simple et efficace

La façon la plus directe d'obtenir un scénario de JdR en adaptant une œuvre préexistante est de partir directement... d'un scénario de JdR. Je sais, ceci confine à la tautologie, mais le MJ en mal d'inspiration ne s'arrêtera probablement à si peu. Et s'il est un scénario dont j'ai usé encore et encore, en l'adaptant à différentes sauces, c'est bien Une fleur pour une vie, écrit par Frédéric Mabrut pour Légendes de la table ronde et publié dans Casus Belli ancienne formule n°47 (septembre 1988).
C'est, à mes yeux, un scénario particulièrement adapté à des parties d'initiation au jeu de rôles, mais il peut fonctionner tout aussi bien avec des joueurs déjà aguerris. Sa force ? Un scénario peu complexe dans son intrigue, mais proposant des situations de jeu variées et riches, avec un choix cornélien en point final de l'aventure.
L'intrigue est simple : les PJ doivent partir à la recherche d'un remède pour contrer la maladie qui frappe l'épouse de leur seigneur. La maladie est étrange, et le remède ne l'est pas moins (une fleur particulière et unique, d'où le titre du scénario). L'identification de la maladie puis la quête du remède confrontent les PJ à divers obstacles, naturels et humains (voire inhumains). Dans la scène finale, au moment de s'emparer de la fleur de guérison, les PJ doivent affronter un autre groupe d'« aventuriers », venus eux aussi chercher la fleur pour sauver un être cher.
Un MJ n'aura aucun mal à faire progresser une aventure sur cette piste, que ce soit en s'en tenant au scénario original ou en adaptant celui-ci à ses besoins propres, en modulant l'opposition aux PJ, en ajoutant, retirant ou modifiant certaines scènes, etc.

Pour corser un peu le final, il m'arrive donner un caractère particulier à la scène finale : les PJ sont là pour trouver le remède qui sauvera la « vieille » épouse de leur seigneur, tandis que ceux de « l'autre camp » sont là pour sauver une personne bien plus « jeune ». J'essaie donc de confronter les PJ (et, à travers eux, les joueurs) à un dilemme plus aigu : vont-ils mener à bien leur mission, par loyauté à leur seigneur, et sauver une « vieille » femme qui a déjà bien vécu sa vie et, par là-même, condamner à une mort très probable la jeune personne, qui a sa vie devant elle, mais envers laquelle ils n'ont pas d'obligation de loyauté ? Ou bien feront-ils passer la générosité, la compassion, avant la loyauté ?
Ce questionnement n'a pas du tout le même poids selon l'univers dans lequel se déroule le jeu. Dans un univers où les relations que je qualifierais globalement de « féodales » (à la façon « occidentale », « orientale » ou « 100% fantasy », peu importe) sont particulièrement puissantes, ne pas respecter la loyauté, l'obéissance, est un acte fort, peut-être même impossible à réaliser. Pourtant, même dans un univers comme celui-là, il me semble intéressant de mettre les PJ devant ce genre de question.

Ce scénario Une fleur pour une vie se prête facilement aux adaptations pour des univers « fantastiques » ; le remède peut alors ne pas être « naturel » et une partie de l'opposition composée de créatures surnaturelles (fées, géant, etc.) comme dans le texte originel. Je m'en suis servi pour des parties de eux très divers, d'Avant Charlemagne à Aquelarre, de Gurps Aztecs à Lanfeust de Troy et bien d'autres encore.
Cependant, une adaptation à des univers dont le surnaturel est absent est tout à fait possible, elle aussi. Ce qui peut limiter l'adaptation à un univers, c'est bien sûr la capacité à placer la barre assez haut pour le degré d' « étrangeté » de la maladie et, par conséquent, pour celui du remède. Je ne sais donc pas trop comment le scénario peut fonctionner avec des jeux dont l'univers en ancré dans un niveau technologie (NT) très élevé, comme Transhuman Space. À vous de vous faire une idée de cette possibilité ou pas.
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Je me suis très récemment lancé sur la piste de l'auteur du scénario, pour solliciter, si j'arrive à prendre contact avec lui, l'autorisation de donner une nouvelle vie à ce scénario en le publiant sous forme électronique. Affaire à suivre.

L'adaptation littéraire vu par l'angle du cinéma


Adapter un œuvre en scénario de JdR et l'adapter en scénario de film sont deux exercices totalement différents, j'en conviens. Et pourtant, il me semble que certains conseils relatifs au cinéma peuvent nourrir notre réflexion de rôlistes. Sans passer par des livres spécialisés, il est possible de trouver quelques conseils sur le net ou, à tout le moins, de trouver quelques pistes pour lancer des réflexions.
C'est ainsi que je me suis intéressé à l'article « Comment écrire une adaptation littéraire » du blog Scénario Buzz.

Je vous laisse le soin (et le plaisir) de le lire en entier, et je vais me contenter d'en souligner les points qui ont le plus attiré mon attention (en dehors des questions de droits, ceux de l'auteur ou ceux de ses ayants droit).
Pour Nathalie Lenoir, une adaptation d'un roman en scénario se révèle plus difficile que d'écrire un scénario original. Je me trompe peut-être, mais il me semble que c'est moins vrai pour le JdR que pour le cinéma ; néanmoins, je reconnais que les écueils soulignés dans l'article sont les mêmes pour le scénario de film que pour le scénariste rôliste : la longueur du roman, les émotions et introspections des personnages, la multiplicité éventuelle des points de vue, le rythme du récit pas toujours chronologique. Bref, certains éléments qui font la qualité d'un roman le rendent ardu à transposer en scénario.
Mais l'article, indique clairement ce qui doit être cherché dans un livre pour en faire le squelette d'un scénario : un protagoniste, une intrigue, du conflit et un thème. En trois petits paragraphes, elle nous livre l'essentiel de l'exercice :
La méthode la plus simple est sans doute de commencer par résumer brièvement chaque chapitre (deux ou trois phrases maximum). A partir de là, on peut rédiger un résumé global de l’histoire, dégager le thème, la prémisse de l’histoire. A ce stade, on voit immédiatement s’il existe une intrigue et surtout, si elle est assez dramaturgique.
Petit rappel : un scénario met en scène un protagoniste qui, à partir d’une situation de base (exposition) va vivre un événement fort (incident déclencheur), qui le pousse à déterminer un but (objectif). Le personnage va alors tout mettre en œuvre pour atteindre cet objectif, malgré les nombreux obstacles, de plus en plus forts, qui jalonnent son parcours. Cette quête le mène jusqu’à un point de conflit extrême (climax). On sait alors s’il a ou non atteint son objectif (réponse dramatique) et quelles vont être les conséquences de sa quête sur son existence (résolution).
Si l’intrigue, la matière du roman, ne peut être résumée à ce petit schéma, ou s’il lui manque certains de ces éléments, il va falloir les créer de toute pièce.
Et surtout, Nathalie Lenoir encourage à savoir s'éloigner du roman que l'on veut adapter, pour ne pas en rester prisonnier, n'en gardant que les éléments les plus essentiels et « inventer les éléments manquants ».
Au final, cet article n'est donc pas un guide méthodologique pour adapter une œuvre en scénario, mais il permet de commencer à se poser les questions de fond.
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Pour l'anecdote, les rôlistes amateurs d'heroic fantasy apprécieront ou s'indigneront à la lecture du dernier paragraphe de l'article :
Le travail d’adaptation est long est souvent ingrat mais c’est un domaine qui réserve de belles surprises, par exemple, lorsqu’un auteur très peu connu, un certain Peter Jackson, s’attaque à une œuvre réputée inadaptable, un monument de la littérature de plus de mille pages, « Le seigneur des anneaux ».
Connaissant la hargne féroce des tolkienomanes (dont je ne suis pas) contre tous ceux qui ne respectent pas à la lettre l'œuvre du Maître, je n'ai aucune doute que ça ne va pas laisser certains indifférents...

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